En cette année 2023, le sujet de la distribution des transports publics a fait la une de l’actualité à au moins 2 reprises :
- D’abord, en février, la tenue du hackathon « titre unique » organisé par la DGITM (et auquel Metrolys a participé, voir notre article daté de février 2023), ponctué par l’annonce de Clément Beaune, Ministre Délégué chargé des Transports, du lancement d’un support universel national d’ici 2025. L’ambition affichée est de rendre l’utilisation des transports publics moins complexes, grâce à un seul support utilisable partout en France.
- Puis, au moment de la rentrée des classes, avec Emmanuel Macron se disant favorable à la création d’un « pass rail » national à 49€, inspiré du Deutschlandticket (qui, lui, adresse non seulement les trains régionaux mais également les transports urbains) et, d’ici l’été 2024. Cette intention a été confirmée, toujours par Clément Beaune. Dans ce deuxième cas, il s’agit de permettre aux voyageurs de se déplacer en train (uniquement les lignes conventionnées), partout en France, avec un prix « cappé » à 49€. Il s’agit donc ici d’une mesure tarifaire.
Les intentions affichées certes sont louables puisque, dans les deux cas, l’objectif est de faciliter l’accès aux transports en commun et, ainsi, réduire l’utilisation des moyens de transport carbonés.
Nous n’allons pas ici challenger la pertinence de ces deux dispositifs à créer. Plusieurs professionnels du secteur l’ont déjà fait et nous partageons certains de leurs arguments.
En revanche, nous questionnons la réelle efficacité de l’approche choisie, tant elle ne nous semble pas permettre de s’attaquer au problème de fond de la distribution des mobilités en France. Nous faisons ici référence au manque d’intégration de la gouvernance entre les AOM régionales et les AOM urbaines.
Cette carence empêche de sérieusement envisager la création d’un réel titre unique national, utilisable partout. Et c’est également cette carence qui empêche d’étendre le périmètre du « pass rail » aux transports publics. Sans même parler de la nécessaire adhésion des Régions qui sont donneurs d’ordre du transport ferroviaire régional.
En Autriche, les parties prenantes ont patiemment mis en place un cadre vertueux
Notre récente mission en Autriche et nos rencontres avec plusieurs acteurs majeurs des mobilités nous a permis de bien comprendre pourquoi et comment il est possible d’acquérir, via un acte d’achat unique, un titre donnant accès à tous les moyens de transports (trains, métro, cars régionaux, bus urbains, tramways) d’un bout à l’autre du pays, soit plus de 600 km d’est en ouest. Cet achat peut se faire au guichet d’une gare, depuis un distributeur automatique de titres ou encore depuis une application mobile (MaaS).
Pour faire écho au « Pass Rail » ambitionné en France, n’oublions pas non plus que c’est en Autriche, en 2021, soit deux ans avant le Deutschlandticket, qu’a été créé et lancé le « KlimaTicket », soit une carte donnant accès à tous les transports publics autrichiens, presque sans exception, pour 91€ par mois.
Lors de notre échange avec la plus grande association de transport (en allemand, « Verkehrsverbund ») autrichienne, VOR (Verkehrsverbund Ost-Region), nous avons compris que ces facilités sont permises par un double niveau d’intégration :
- Au niveau régional (Länder), les associations de transport organisent et coordonnent la distribution des mobilités, permettant ainsi des déplacements fluides à l’intérieur des Länder
- Au niveau national, l’organisation OneMobility intègre les tarifs de chacune de ces associations régionales dans le « Ticketshop », ce qui permet de commercialiser les titres utilisables dans tout le pays, sur tous types de transports publics
Les premières associations de transport autrichiennes ont été créées au début des années 90 et, étape après étape, elles ont largement contribué à la construction de ce système de distribution efficace, qui, aujourd’hui, donne un accès simple aux transports publics. Un long travail, structurel, a donc été mené par les parties prenantes que sont les Länder, les agglomérations, les associations de transports ou encore les opérateurs de mobilité, pour que, aujourd’hui, les voyageurs de tous profils puissent s’informer, acheter le bon titre et se déplacer à travers tout le pays, sans couture.
Aujourd’hui, en France, le sujet nous semble être pris dans l’autre sens : d’abord des annonces d’intentions sont faites puis des solutions techniques sont étudiées pour une mise en œuvre la plus rapide possible…
Or, nous sommes convaincus que la bonne approche serait d’abord de consulter les parties prenantes, en particulier dans les régions, mettre en place des structures de gouvernance intelligentes et intégrées, puis élaborer et mettre en place des solutions intelligentes, au service de tous les voyageurs. Cette approche est moins « sexy » du point de vue de la communication politique, certes, mais nous y gagnerions tous en efficacité.
N’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez échanger avec nous plus en détail sur le sujet.